Voiture et banlieusards : le jeu dangereux de Paris

Voies sur berge piétonnes, Paris, 2019. ©AFP - Edouard Richard / Hans Lucas
Voies sur berge piétonnes, Paris, 2019. ©AFP - Edouard Richard / Hans Lucas
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Voies sur berge piétonnes, Paris, 2019. ©AFP - Edouard Richard / Hans Lucas
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Anne Rosencher craint que Paris ne se serve des Jeux olympiques pour lever encore plus le pont-levis face à sa périphérie.

Depuis plusieurs mois, je lis des déclarations de la maire de Paris, Anne Hidalgo, qui explique vouloir pérenniser certains aménagements initialement pensés pour les JO. Par exemple : la piétonisation de la moitié de la place de la Concorde et d’une partie du quartier du Trocadéro. Ces aménagements que l’édile qualifie de « reconquête sur la voiture » ne passent pour l’instant pas auprès de l’État, qui s’y oppose. Mais Anne Hidalgo prévient qu’elle n’a pas dit son dernier mot…

Alors, entendons-nous, je ne prends pas la question de l’écologie à la légère, même pas un peu. Ni celle de la pollution par la voiture. C’est la façon dont les choses se font sur ce sujet depuis des décennies, à Paris, qui me paraît socialement égoïste et politiquement dangereux. Et je vais tenter de vous expliquer pourquoi.

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Les métropoles, où se concentrent toutes les richesses

En commençant par vous donner cette statistique que l’Insee a bien voulu extraire de ses archives pour les besoins de ma chronique : entre 1982 et 2020, la part des cadres et des professions intellectuelles dans la population parisienne est passée de 11,6% à 30,1%. Vous avez bien entendu : de 11 à 30%. Pendant ce temps-là, la part des ouvriers et des employés, elle, fondait.

Pourquoi ? Parce qu’au fil des décennies, la spécialisation de notre économie dans les services a entraîné un nouvel aménagement du territoire. Les métropoles sont devenues l’endroit où se concentrent toutes les richesses. Notamment à Paris, : où le prix au mètre carré a flambé, tant et si bien qu’il a chassé une partie des classes moyennes et populaires, obligées de se loger en proche ou en lointaine périphérie.

Les transports en Île-de-France

Et pour ceux des banlieusards qui prétendraient tout de même continuer de se rendre à la capitale, pour travailler ou pour avoir accès à sa vie culturelle, eh bien : c’est Koh Lanta ! En gros, on leur dit : « vos voitures, on n’en veut pas, alors on va tout faire pour vous rendre la vie au volant si pénible que vous y renoncerez. Vous n’avez qu’à prendre les transports ». Et c’est là que le bât blesse : sous-capacité, avaries, insalubrité… En l’état, les transports – qui c’est vrai dépendent, eux, de la région Île-de-France – peuvent vous gâcher un quotidien.

C’est pourquoi une rancœur mijote chez les exclus de la métropolisation heureuse. Ils voient de plus en plus Paris comme une ville sous cloche, un lieu select aux couleurs de carnaval, comme sur l’affiche, justement, des Jeux olympiques.

Ma consœur de L’Express, Laureline Dupont, a récemment interrogé un conseiller de la maire de Paris sur cette rancœur d’une partie de la banlieue envers sa politique. Réponse dudit conseiller : « Anne Hidalgo est maire de Paris, elle n’est pas maire de Bagneux. »

Je crois qu’il y a peu de choses plus incendiaires que cette sécession géographique. Qu’elle soit assumée – par la gauche qui plus est – explique beaucoup de la crise politique dans laquelle nous sommes installés.

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