Pourquoi la communarde Eulalie Papavoine fut-elle condamnée à mort comme "pétroleuse" ?

Photographie d'Eulalie Lapavoine, communarde - Eugène Appert, CC BY-SA 4.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0>, via Wikimedia Commons
Photographie d'Eulalie Lapavoine, communarde - Eugène Appert, CC BY-SA 4.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0>, via Wikimedia Commons
Photographie d'Eulalie Lapavoine, communarde - Eugène Appert, CC BY-SA 4.0 <https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0>, via Wikimedia Commons
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Quand les classes dominantes inventent des termes pour discréditer un peuple révolté. Les "pétroleuses" de la Commune de Paris étaient des victimes de cette manipulation. Accusée d’avoir incendié le palais de la Légion d’honneur, Eulalie Papavoine fut-elle injustement condamnée à mort ?

L'histoire des luttes populaires montre que l'une des réactions les plus fréquentes des classes dominantes quand elles se sentent menacées par des accès de violence collective consiste à inventer des mots pour discréditer les leaders de ces révoltes. Ce fut le cas lors des soulèvements paysans sous l'Ancien Régime, dénoncés comme des "jacqueries" à une époque où les paysans étaient appelés péjorativement les "jacques". Ce fut le cas aussi pour les ouvriers des faubourgs parisiens dénoncés, au XIXe siècle, comme une "vile populace". Sans parler des jeunes prolétaires présentés tour à tour comme des apaches, des sauvageons, des blousons noirs ou des racailles. Les femmes du peuple eurent droit, elles aussi, à ce genre d'avanies, comme le montre l'exemple des communardes, qui furent surnommées les "pétroleuses".

Les "pétroleuses" de la Commune, la construction d'un mythe insultant

Sans doute pour justifier l'ampleur du carnage, c'est au lendemain de la semaine sanglante du 21 au 28 mai 1871 que ce terme apparut pour la première fois dans la grande presse. Des femmes furent alors accusées d'avoir incendié les monuments de la capitale, comme le palais des Tuileries ou l’Hôtel de Ville. Prosper-Olivier Lissagaray, le journaliste qui écrivit en exil la première histoire de la Commune de Paris dénonça immédiatement ce mythe insultant. "Alors fut inventée cette légende des pétroleuses qui, propagée par la presse, coûta la vie à des centaines de malheureuses. Le bruit court que des furies jettent du pétrole enflammé dans les caves. Toute femme mal vêtue ou qui porte une boîte à lait, une fiole, une bouteille vide peut être dite pétroleuse. Traînée en lambeaux contre le mur le plus proche, on l’y tue à coups de revolver" .

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Injustice : le cas d'Eulalie Papavoine

Cette protestation ne faisait que confirmer ce que nous apprennent les archives. Parmi le millier de communardes qui furent jugées par les tribunaux militaires, aucune ne fut condamnée pour incendie. C'est le tribunal médiatique de l'époque qui en fit des coupables. Parmi ces victimes, je voudrais évoquer la mémoire d'Eulalie Papavoine. Née le 11 novembre 1846 à Auxerre, cette couturière parisienne, mère d'un jeune enfant, participa à la Commune de Paris comme ambulancière. Accusée d’avoir incendié le palais de la Légion d’honneur, elle fut condamnée à mort. Sa peine fut commuée en déportation en Guyane, et elle mourut à l'asile de Châlons-sur-Marne le 24 mai 1875. Sans antécédent judiciaire, elle nia avoir participé aux incendies de quartier, en admettant seulement qu'elle avait organisé une ambulance dans une maison de la rue de Solférino pour sauver des blessés. Victor Hugo prit la défense d'Eulalie Papavoine et de deux de ses camarades. (...)

Bibliographie

  • Édith THOMASLes "Pétroleuses", Gallimard, coll. "Folio-Histoire", 2021.

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