DOSSIER - Médiation sociale : une présence qui retisse les liens

Dans un contexte urbain où les tensions et les incivilités peuvent parfois se multiplier, la médiation sociale se présente comme une solution précieuse pour apaiser les relations et favoriser le vivre-ensemble. À Villeurbanne, cette approche humaine et constructive est en plein développement, avec des résultats concrets sur le terrain.
Un café médiation dans le quartier de la Ferrandière à Villeurbanne

Un café médiation dans le quartier de la Ferrandière à Villeurbanne

Concrètement, les médiateurs sociaux sont des professionnels formés pour intervenir dans des situations conflictuelles ou de tension. Ils agissent comme des intermédiaires neutres et impartiaux, à l’écoute de toutes les parties impliquées. Leur objectif : favoriser le dialogue et la compréhension mutuelle afin de trouver des solutions concertées et durables, par une présence quotidienne sur le terrain.

Un rôle essentiel à Villeurbanne

À Villeurbanne, depuis 2019, la médiation sociale est déployée dans différents quartiers, en lien avec les bailleurs sociaux, les structures et associations locales et les services de la Ville. Les médiateurs interviennent ainsi dans les espaces publics, les halls d’immeubles, les établissements scolaires… A Cusset, à la Ferrandière, au Tonkin, aux Brosses, prochainement à Saint-Jean, adossée à des structures de proximité, leur présence sur le terrain porte ses fruits.de leur territoire. Un altruisme qui semble profiter à tous, en témoignent les bénéficiaires comme les porteurs de ces projets, et que la Ville a à cœur d’accompagner. Gratiféria, boîtes à dons, échanges de savoir sont autant de pratiques résultant d’une collaboration entre habitants, conseils de quartiers, associations, services municipaux, et susceptibles de bénéficier à tous et toutes. Comment ces réseaux solidaires s’organisent-ils ? Quelle dynamique insufflent-ils à la ville ? Réponse en quelques exemples.

Un bilan positif

Depuis sa mise en place à Villeurbanne, la médiation sociale a fait ses preuves. Les habitants apprécient la présence des médiateurs, qui contribuent à créer un climat plus apaisé et plus serein dans les quartiers. Les résultats sont concrets : diminution des incivilités, amélioration du lien social, développement d’une véritable culture du dialogue, et un lien renforcé avec des structures de proximité. Et l’accès au droit pour de nombreux citoyens.

Un modèle à développer

À l’heure où les villes font face à de nombreux défis sociaux, la médiation sociale apparaît comme une approche prometteuse pour renforcer la cohésion sociale et améliorer la qualité de vie des habitants. Le développement de cette pratique à Villeurbanne, en lien avec ses partenaires, est l’un des maillons de la prévention et de la tranquillité publique, inclus dans le Contrat local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD).

Marie Diaz : « Un travail partenarial bénéfique pour les habitants »

Au centre social de la Ferrandière, Marie Diaz a la responsabilité du pôle médiation sociale. Un rôle qu’elle occupe depuis deux ans, quand ce dispositif a été mis en place dans le quartier. « Avec nos tenues orange bien flash, tout le monde nous connaît ! », sourit Marie Diaz qui partage son temps entre missions administratives et présence de terrain aux côtés des deux 
médiateurs Inez et Americo : « Nous avons mis en place des outils pour chiffrer le nombre de personnes abordées, mais surtout nous constatons avec le temps une très forte hausse du nombre de personnes vues et revues, ce qui est pour nous le signe que la confiance s’est installée et que le dialogue a été bénéfique pour celles et ceux que nous avons rencontrés ». Marie rencontre régulièrement les partenaires du centre social et de la médiation, Mission locale, planning familial, maison de la Métropole, MJC, Rize, résidences seniors… « Cela nous permet de savoir qui fait quoi, quels sont les nouveautés, afin de mieux orienter les gens. Cela permet aussi d’organiser des actions communes, comme nos cafés-médiation sur le parvis du Rize, où les salariés peuvent aussi venir échanger ».  Le renforcement des effectifs a permis d’ouvrir une permanence le lundi au centre social de la Ferrandière. Et cela fonctionne bien. « L’autre jour, une dame est passée. Elle s’inquiétait de ne pas nous avoir croisés dans le quartier depuis quelques jours ». Le genre d’anecdote qui donne le sourire à l’équipe.

Antoine Dremeau : « La présence sur le terrain est le socle de notre métier »

Antoine Dremeau et Landy Randrianarinosy, médiateurs sociaux à Cusset.

« C’est un travail de terrain, un travail sur la durée. C’est la clé pour gagner la confiance des gens ». Antoine Dremeau est médiateur social dans les quartiers Monod et Baratin depuis 5 ans, rattaché au centre social de Cusset. Un temps long, couplé à une présence quasi quotidienne, mais qu’il analyse avec philosophie et  modestie : « Je commence à être connu… » Epaulé depuis janvier par son nouveau binôme, Landy Randrianarinosy, Antoine arpente l’espace public, reconnaissable à sa tenue, du mardi au samedi. Les horaires s’adaptent entre été et hiver afin de coller au mieux à la présence des  habitants. « Nous apportons déjà une forme de tranquillité par notre présence sur le terrain. Et puis nous n’hésitons pas à aller à la rencontre des gens. Mais on ne force personne !  Certains ont besoin de parler, d’autres ont besoin de temps. On est dans une écoute active mais impartiale. Et toujours dans l’adhésion : on ne force jamais personne. Ceux qui le souhaite, on essaie de leur proposer des solutions adaptées, de les orienter vers les bonnes structures, des  partenaires locaux ».  Parfois il ne faut pas grand-chose pour créer l’étincelle qui va donner le courage à un groupe  d’habitants de monter un collectif de locataires ou de créer un jardin  partagé en pied d’immeuble, ou pour d’autres de pousser la porte du centre social, de la Mission locale, d’un  maison de services publics… L’étincelle de la médiation sociale.

Julie Jason : « Se parler plutôt que se taper »

A 27 ans, Julie Jason, formée à la médiation sociale, occupe le poste de médiatrice sociale à l’école, dans le quartier du Tonkin. Elle intervient dans les écoles élémentaires de la Nigritelle-Noire et Louis-Armand et au collège du Tonkin. Sa – vaste – mission depuis un an : la gestion de conflits, la prévention du harcèlement et le développement des comportements citoyens.  « J’essaie d’apprendre aux enfants qu’on peut s’exprimer en se parlant et en s’expliquant, plutôt qu’en se battant et en s’insultant. 
Je les aide à trouver des solutions
 », résume la jeune femme. Rencontres individuelles, ateliers collectifs, café des parents... Julie multiplie les moyens d’atteindre son but : « En un an, je vois évoluer doucement les comportements de celles et ceux que j’accompagne. Pour les élèves, je suis une animatrice un peu spéciale, avec qui un lien de confiance s’établit ».

Aussi aux Brosses et bientôt à Saint-Jean

L’équipe de médiation sociale de Bel Air les Brosses est composée d’un responsable de pôle médiation sociale, Sofiane Souaker, d’une médiatrice sociale Sixtine Simond et d’un médiateur social Zakaria Touati. Sofiane et Sixtine ont pris leurs fonctions en septembre 2023, Zakaria plus récemment en mars 2024. Ils sont la troisième équipe de médiation sociale à s’être implantée à Villeurbanne, après celle de Monod-Baratin (rattachée au centre social de Cusset) et celle de la Ferrandière (rattachée au centre social et familial de la Ferrandière). Tous trois font partie des équipes de la Maison de Quartier des Brosses et sont donc agents municipaux. Ils interviennent et sont présents sur les espaces publics du quartier du mardi au samedi. 

Le recrutement de la quatrième et dernière équipe (prévue sur ce mandat) sur le quartier Saint-Jean a lieu fin mai, pour un démarrage prévu cet été. Composée d’un responsable de pôle médiation sociale et de deux médiateurs.trices sociaux, l’équipe sera rattachée au centre d’animation Saint-Jean.

— ZOOM
Des éducateurs spécialisés
En plus des dispositifs pilotés par la Ville, la Métropole de Lyon déploie des éducateurs spécialisés de prévention à Villeurbanne. Neuf d’entre eux sont dédiés au 10-21 ans ; ils sont employés par l’association Acolea et mènent un travail de rue et d’accompagnement individualisé dans quatre territoires : Tonkin, Buers - Saint Jean, Ferrandière – Grandclément et Bel-Air les Brosses. Quatre nouveaux postes ont été créés et sont directement rattachés aux services de la Métropole : un binôme intervient depuis 2021 sur le secteur Monod-Baratin auprès des 16-25 ans et traite plus particulièrement des questions d’insertion socio-professionnelle et d’accès au droit commun ; un autre binôme est en lien avec les collèges Gilbert-Chabroux et Jean-Jaurès et agit en faveur de la prévention du décrochage scolaire des 10-15 ans et du développement du soutien à la parentalité. Les différents dispositifs de médiateurs sociaux et d’éducateurs spécialisés collaborent afin d’articuler au mieux leurs actions sur le territoire villeurbannais.

— INTERVIEW

Yann Crombecque, adjoint sécurité, prévention de la délinquance, jeunesse et éducation populaire 

Pourquoi Villeurbanne mise sur la médiation sociale  ?

Yann Crombecque — « La médiation sociale s’inscrit dans un objectif global en faveur d’une ville plus sûre et plus solidaire ; cette ambition conjugue notamment renforcement de la présence humaine et accès aux droits : la médiation sociale est une traduction de cette ambition. Elle traduit aussi notre volonté de couvrir progressivement l’ensemble des quartiers de Villeurbanne ».

Comment cela s’inscrit-il dans le contrat local de sécurité et prévention de la délinquance ?

Yann Crombecque — « La stratégie territoriale de sécurité et de prévention de la délinquance inscrite dans notre plan de mandat repose sur trois éléments prévenir, assurer la tranquillité publique et accompagner les victimes. L’idée est de couvrir tous les champs, tous les publics, de la prévention qui empêche de tomber dans la délinquance à celle qui empêche la récidive. La médiation sociale portée par la Ville est axée sur la partie la plus en amont. L’objectif est également que l’intégralité des sortes de médiation soient présentes à Villeurbanne : nous travaillons pour cela en lien avec la Métropole et  l’Etat dans ses diverses composantes ».

Quelle est l’importance des partenariats dans ce dispositif ?

Yann Crombecque — « Chacun des acteurs a ses propres prérogatives. L’idée est de construire un dispositif dans la complémentarité et pas la juxtaposition. Cela passe d’abord par un travail avec les structures de proximité à qui sont confiées le portage des équipes de médiation sociale : le centre social de Cusset, le centre social et familial de la Ferrandière, la maison de quartier des Brosses et bientôt le centre d’animation Saint-Jean. Ce choix est la garantie d’une articulation et d’une cohérence avec le projet porté par ces structures dans les territoires. La médiation sociale est au service de ce projet, pour répondre au plus près des besoins des familles, des jeunes, des enfants. Entre les structures et les acteurs de la médiation, on peut être présents dans un maximum d’endroits, au plus près des habitants, de là où ils vivent. Ce qui fonctionne, c’est cette co-construction avec différents niveaux d’intervention. Cela peut aussi permettre d’aiguiller vers d’autres partenaires comme la Mission locale, les Maisons de la Métropole, l’Espace jeunes… »

 

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