La "subsidence" : késako ?

Explications de Camille Crosnier sur la subsidence, ce phénomène méconnu qui peut s'observer par un bâtiment qui se fissure, ou des inondations ©Getty - Colors Hunter - Chasseur de Couleurs
Explications de Camille Crosnier sur la subsidence, ce phénomène méconnu qui peut s'observer par un bâtiment qui se fissure, ou des inondations ©Getty - Colors Hunter - Chasseur de Couleurs
Explications de Camille Crosnier sur la subsidence, ce phénomène méconnu qui peut s'observer par un bâtiment qui se fissure, ou des inondations ©Getty - Colors Hunter - Chasseur de Couleurs
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19% de la population mondiale pourrait être touchée par la subsidence. Vous n’en avez jamais entendu parler ? Par ici les explications.

Et j’ai découvert un mot, cette semaine : la subsidence. Vous savez ce que c’est ? (non) Eh ben voilà la réponse :
« Ce drôle de mot veut simplement dire la perte d’élévation d’une terre. C’est la terre qui s’enfonce »

Et ça vient du latin subsidere qui veut dire s’enfoncer. Définition donnée par Jo Grall, chargé.e de recherche CNRS au laboratoire littoral, environnement et sociétés de l’université de La Rochelle, et spécialiste du sujet.

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« En général quand on parle de subsidence on prend comme repère la remontée globale actuelle des eaux et on essaie de savoir si on s’enfonce plus que les eaux montent. La remontée moyenne des eaux aujourd’hui c’est de l’ordre de grandeur de 30 cm pour 100 ans. »

Certaines zones s’enfoncent-elles plus que ça ?

La réponse est oui, on a beaucoup parlé de Djakarta la capitale indonésienne qui déménage carrément ses institutions tellement elle coule, 10 fois plus que le repère, 3m pour 100 ans.

Une étude parue la semaine dernière dans la revue Science montre aussi que la moitié de 82 grandes villes chinoises s’enfoncent, c’est le professeur anglais Robert Nicholls qui la signe, il est directeur du Tyndall center for climate change research à l’université East Anglia de Norwich : « Certaines villes en Chine s’enfoncent de plus d’1 centimètre par an... C’est un gros changement, surtout quand ça s’accumule avec le temps. Et on voit des changements très rapides dans une période très courte, donc je dirais que ce qu’on voit en Chine, et plus largement en Asie, est assez inédit dans l’histoire humaine, et c’est vraiment lié à l’augmentation des populations urbaines »

Pourquoi le phénomène prend-il de l'ampleur ?

Parce que « on pompe dans les nappes phréatiques et on draine, également... Beaucoup de villes se sont construites et ont grossi sur des terres qui étaient marécageuses, et on draine ces marais, donc ça enlève encore de l’eau. »

L’impact des mines de charbon est également pointé du doigt. Donc les activités humaines... Mais en fait la subsidence, qui est très marquée aussi en Amérique du nord, à Vancouver, ou la Nouvelles-Orléans par exemple, et en Europe à Venise, ou aux Pays-Bas, et évidemment la Tour de Pise, mais même le delta du Rhône est surveillé de près.

La subsidence, donc, peut s’expliquer par plein de choses, c’est un sujet complexe rappelle Jo Grall : « C’est très dur de déterminer quel processus est responsable selon les observations. Il y a quand même des grandes catégories de processus qui peuvent être réversibles, irréversibles, intermittents, non intermittents, il y a tout un spectre. »

Les pompages d’eau, donc, qui viennent déstabiliser les sols, mais aussi, tjs dans la catégorie activités humaines**, le poids, carrément, des bâtiments et infrastructures**, ou encore leur construction même : « Quand on construit des villes, on ajoute une masse mais on va aussi éroder des montagnes pour prendre ces bouts de cailloux. Donc en fait on contribue à ces grandes redistributions de surface, à notre échelle, sur un processus qui existe naturellement sur la terre. »

Et dans les autres processus où nous n’intervenons pas, il y a ce qu’on appelle « l’effet du rebond post glaciaire » :

« Pour résumer, la terre actuelle et depuis au moins 100 000 ans, on a des calottes glacières aux pôles, qui vont fondre et donc ça fait une perte de masse. Ça ne disparaît pas, ça va dans l’océan qui devient plus lourd. On voit que proche des pôles on diminue le poids sur la tête de la terre donc on a tendance à monter et pas subsider. Au niveau de l’Equateur où les océans sont plus importants, ils ont une plus grande masse et donc l’Équateur a tendance a plus s’enfoncer. »

Mais attention à ne pas confondre avec la montée des eaux, dont on parle beaucoup à cause du réchauffement climatique

Là en fait, précise Robert Nicholls « ce n’est pas directement lié au changement climatique, mais l’exacerbe, parce que dans les zones côtières en particulier, si le niveau de l’eau monte, et qu’en même temps la terre s’enfonce, alors les 2 phénomènes se cumulent et se renforcent l’un l’autre »

Avec des risques de submersion, ou de salinisation des cours d’eau.

Que faire alors contre ce phénomène ?

Ce phénomène n’est pas visible à l’œil nu, mais peut-être signalé, au-delà des mesures diverses et variées, par certains indices, comme un bâtiment qui commence à se fissurer, ou des inondations dans certains endroits très localisés épargnés jusque-là

« Vous pouvez essayer d’éliminer les sources de la subsidence... Par exemple certaines zones de Tokyo se sont enfoncées jusqu’à 5 mètres au 20ème siècle. C’est arrivé, c’est un fait ! Mais ces zones ne s’enfoncent plus aujourd’hui parce qu’ils ont arrêté de pomper les nappes phréatiques, ils ont trouvé des approvisionnements d’eau alternatifs et ont banni les pompages dans le sol. Donc c’est une réponse.

Sinon, ce qui reste, c’est : s’adapter, parce qu’en reconnaissant la réalité de la subsidence, on part sur de meilleures bases pour y faire face, plutôt que juste réagir en étant surpris. Là on sait ce qui va se passer, on peut donc anticiper, et faire des plans »

Voilà d’autant que 19% de la population mondiale 1 terrien sur 5 pourrait être exposé à la subsidence.

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