Être sans place

"Disparition d'une femme de 56 ans", d'Anne Plantagenet (Seuil) ©Getty - Maurizio Siani
"Disparition d'une femme de 56 ans", d'Anne Plantagenet (Seuil) ©Getty - Maurizio Siani
"Disparition d'une femme de 56 ans", d'Anne Plantagenet (Seuil) ©Getty - Maurizio Siani
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Dans "Disparition d'une femme de 56 ans", Anne Plantagenet raconte une femme, Letizia Storti, figurante dans le film "En guerre" de Stéphane Brizé, ouvrière et syndicaliste devenue le visage d'une lutte. Un destin, et un livre qui s'attache à raconter le réel et soulève de nombreuses questions.

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C'est un texte qui mêle et entremêle des sujets capitaux et vitaux. Celui de l'assignation, d'abord : des places qui nous sont ouvertes, offertes, prêtées ou inaccessibles. Celui de la représentation, ensuite : comment représenter des coins, des espaces du monde social que l'on connaît moins, que l'on ne connaît pas ? Celui de l'éthique, plus encore : comment raconter quelqu'un, rendre compte de sa complexité, sans le réduire et le minorer, sans que le prisme de sa condition n'emporte le reste ?

C'est un texte troublant, passionnant. Il vient de paraître aux éditions du Seuil. Il s'intitule : Et il est signé : Anne Plantagenet.

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Rencontres

Tout part d'une rencontre. "Letizia Storti. Avec l'accent. C'est une femme d'origine italienne, ouvrière aux usines UPSA d'Agen, pendant plus d'une trentaine d'années, que je croise sur un plateau de cinéma parce qu'elle a passé un casting pour être figurante dans un film de Stéphane Brizé qui s'appelle « En guerre », avec Vincent Lindon, tourné avec des ouvriers. Elle fait partie de cette distribution. Je la croise, je la remarque sur le plateau et je commence à nouer un lien avec elle.

Sans doute par les efforts qu'elle déploie pour qu'on la voit, précisément. Elle souhaite qu'on la remarque. Elle essaye de prendre sa place, comme le dit très bien Stéphane. Et ça m'intéresse, il y a quelque chose de touchant dans cette démarche. Et ensuite, en effet, je vais... Je vais l'interviewer, je vais l'interroger, on va nouer un lien. Elle va me raconter sa vie, ses origines italiennes, son engagement syndical, sa vie d'ouvrière, de femme, seule, sans diplôme, sans qualification, qui a souffert du racisme quand elle était petite et qui se bat en effet pour avoir sa place sur cette terre."

Plus tard, l'autrice apprend que Letizia Storti est décédée. "Je l'apprends par Stéphane Brizé, le réalisateur, qui me téléphone pour me prévenir. L'annonce m'a glacé."

L'histoire est celle d'une rencontre, mais de plusieurs rencontres. Entre une femme et le cinéma aussi

"Elle me l'a raconté qu'elle a reçu par un mail de son unité syndicale à l'époque, un mail d'information qui précisait le réalisateur Stéphane Brizé cherche des figurants pour son prochain film qui sera tourné dans la région d'Agen. Elle a mis le mail de côté en se disant « C'est pas pour moi ». Et finalement, elle y a réfléchi. Le thème du film lui plaisait. Il s'agissait de jouer effectivement un groupe d'ouvriers qui se bat pour défendre son usine, pour empêcher la fermeture de son usine. Tout ça, ça lui parlait beaucoup. Elle s'est présentée au casting. Elle a été choisie. Elle a tourné dans ce film. Elle est allée au Festival de Cannes avec ce film..."

Le Réveil culturel
26 min

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