BD : "L'odeur des pins" & "Lebensborn" : quand deux autrices enquêtent sur leurs histoires familiales

L'odeur des Pins Couv. Ed Agrume & Lebensborn Couv. Ed. Bayard Graphic - Schaalburg & Maroger
L'odeur des Pins Couv. Ed Agrume & Lebensborn Couv. Ed. Bayard Graphic - Schaalburg & Maroger
L'odeur des Pins Couv. Ed Agrume & Lebensborn Couv. Ed. Bayard Graphic - Schaalburg & Maroger
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Quand deux autrices enquêtent sur leurs histoires familiales. Cela donne un regard sur l'histoire, entre les secrets des familles allemandes et les enfants nés dans des maternités nazies. "L'odeur des Pins" et "Lebensborn", sont des modèles du genre.

"L'odeur des pins" de Bianca Schaalburg

L'Odeur des Pins Planche Ed. L'Agrume
L'Odeur des Pins Planche Ed. L'Agrume
- Bianca Schaalburg

L'Odeur des pins, c'est une odeur d'enfance dans les années 1970, celle de la résidence de la grand-mère de Bianca, à Berlin. C'est aussi une question innocente : "Grand-mère, comme c'était à l'époque avec les juifs ? Tu en avais parmi tes amis ou tes voisins dans le quartier ?" "Non, il n'y avait pas de juifs ici. On ne savait rien du tout." Pourtant, dans la résidence, Bianca découvre en 2018, 3 pavés. Des petits carrés de bronze sur lesquels sont écrits les noms des personnes qui ont été expulsées de leur logement. Celui-là même qu'ont occupé ses grand-parents. La famille de Bianca savait.

L'Odeur des pins Planche Ed. L'Agrume
L'Odeur des pins Planche Ed. L'Agrume
- Bianca Schaalburg
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Comment a t'elle pris possession des lieux ? Qui était Clara, Carl et Margarethe, morts en déportation ? Bianca va reconstituer le puzzle. Nazi ou suiveur ? Son grand-père fut envoyé notamment à Riga en Lettonie. Difficile de savoir ce qu'il y a fait. Mais au fil de ses recherches, Bianca conclut : "On ne pouvait pas vivre à Riga en ignorant les horreurs qui s'y produisaient." En même temps, qu'elle raconte l'histoire de ses grand-parents et qu'elle tente de redonner une humanité aux juifs expulsés à Berlin, l'autrice donne à comprendre la folie meurtrière nazie. L'Odeur des Pins, c'est un parcours d'Allemands d'aujourd'hui. Celui de la deuxième génération. Une génération qui a toujours honte, mais qui n'a plus peur de dire qui était les siens. La grand-mère de Bianca Shaalburg n'a tué personne. Elle a juste vécu sans complexe, dans un appartement qui n'était pas le sien. Des années après, l'odeur des pins de l'enfance a soudain une saveur bien amer.

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L'odeur des pins Planche Ed. L'Agrume
L'odeur des pins Planche Ed. L'Agrume
- Bianca Schaalburg

L'Odeur des pins chez L'Agrume.

"Lebensborn" d'Isabelle Maroger

Lebensborn Planche Ed. Bayard Graphic
Lebensborn Planche Ed. Bayard Graphic
- Isabelle Maroger

Lebensborn se situe entre la France et la Norvège. L'autrice est adolescente lorsqu'elle entend ce mot pour la première fois en classe. "Pendant que des juifs étaient exterminés dans des camps, des aryens naissaient dans des maternités scandinaves. Dépeuplement, repeuplement. Ces maternités étaient appelées Lebensborn. Leben pour la vie. Born : fontaine en allemand ancien. Des fontaines de vie ! Joli mot pour cacher des horreurs."

Lebensborn Planche Ed. Bayard Graphic
Lebensborn Planche Ed. Bayard Graphic
- Isabelle Maroger
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Isabelle sait que sa mère est née Norvégienne et a été adoptée en France. Pourtant, quand elle lui en parle voilà la réponse qu'elle obtient : "Evidement que je connais! Tu ne vas pas m'apprendre l'histoire !! Allez ZOU ! File dans ta chambre !" Le temps est passé mais la douleur reste vive, la honte tenace. Etre le produit d'une politique raciale, pas simple à digérer. La mère d'Isabelle va faire son chemin. Il lui faudra passer la mort de sa mère adoptive... pour oser affronter son passé. Isabelle entre temps, est passée à autre chose.

Lebensborn Planche Ed. Bayard Graphic
Lebensborn Planche Ed. Bayard Graphic
- Isabelle Maroger

Lors de son Erasmus en Allemagne, elle se dit fière face à ses colocs, d'avoir une famille française qui fut dans la résistance. Mais le coup de téléphone de sa mère change la donne "'ai pris contact avec l'ambassade de Norvège. Tout est dans leur registre ! Mon père biologique est allemand. Il était soldat. J'ai un frère Arne et une soeur Lisbeth ! C'est trop tard pour ma mère. Elle est morte il y a 12 ans."

Lebensborn Planche Ed. Bayard Graphic
Lebensborn Planche Ed. Bayard Graphic
- Isabelle Maroger

La honte de la mère n'est plus. Une nouvelle histoire commence. Une histoire de famille. Katherine est née Anne-Lise, fille de Gerda, jeune femme belle, qui succomba au charme d'un soldat allemand, Paul. 400.000 étaient déployés dans le pays, la moitié de la population masculine à l'époque. Il dessine. Il l'a fait danser. Elle tombe enceinte. Le couperet tombe : "Ne t'inquiète pas ma sirène. Tu seras prise en charge par le parti et même chouchoutée. On a notre propre maternité." La machine aryenne est en marche. Comprenant l'engrenage, Gerda prend la fuite avec sa fille, retrouve sa famille. Mais on ne peut pas garder l'enfant. La honte encore une fois. Gerda la laisse à l'adoption d'un couple français. Elle refera sa vie, mais ne s'en remettra jamais vraiment. Quant au père biologique, il dit ceci à sa fille :  "Le régime m'a sélectionné parce que j'étais le dernier ma lignée. Moi j'étais un gamin... un simple soldat. Pas un nazi !" On se cache derrière ce que l'on peut.

Lebensborn Planche Ed. Bayard Graphic
Lebensborn Planche Ed. Bayard Graphic
- Isabelle Maroger

Comme pour L'Odeur des Pins, Lebensborn est menée tambour battant, avec finesse et intelligence et un dessin coloré, presque enfantin, pour que le récit parle à tousse. Katherine a trouvé une famille en Norvège, aimante et enfin réunie. Pas dupe, elle sait aussi que la partie allemande n'est pas la plus belle. Lebensborn chez Bayard Graphic.

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